Le nouveau code de la commande publique, nouveau rebond pour les PME / TPE ?

10/04/2019
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« Ose-t-on commander à ceux qu’on aime plus ? [1]»

Le Code de la commande publique est entré en vigueur le 1er avril 2019 ! En l’apprivoisant, les TPE/PME peuvent y trouver une nouvelle source de gains.

 

Naissance du Code de la commande publique

 

1. Le code est né de l’ordonnance n°2018-1074 du 26 novembre 2018, pour sa partie législative, et du décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018 pour sa partie règlementaire. Il s’applique à l’ensemble des marchés et des contrats de concession pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication à partir du 1er avril 2019. Il est également le fruit de la consultation des acteurs des marchés public et privé, des fédérations professionnelles et des associations d’acheteurs.

2. Les premières règles de la commande publique datent du 17 juillet 1964[2], mais n’étaient pas intégrées dans un code ah doc. Elles ont été complétées, abrogées, remplacées par d’autres textes nationaux et européens. Résultats : des textes épars, compliqués, qu’il faut compléter au moyen de l’interprétation de la jurisprudence. Pour les entreprises, l’accès à ces textes et leur compréhension n’étaient pas aisés et constituait une perte de temps (recherches, vérifications, demandes d’avis et de conseils…) donc un manque un gagner.

 

Ressorts de la commande publique

 

3. Les ressorts de la commande publique sont multiples.

4.Le premier est d’ordre politique. En effet, comme l’explique Monsieur Alain Benard, Président de l’association des acheteurs publics, « l’achat public efficace est alors celui qui correspond au besoin et qui aura notamment fait l’objet d’une volonté politique et administrative affichée »[3]. La commande publique permet notamment, par exemple, de promouvoir l’emploi, d’avoir un rôle d’inclusion sociale ou de protection de l’environnement.

5. Le second est d’ordre économique. La commande publique représente 8% du PIB, et les PME représentent 44% du PIB mais seulement 28% de la valeur des marchés publics. Il existe donc un potentiel de croissance important dans ce secteur. Par ailleurs, il faut savoir que lorsqu’une entreprise conclu un marché public, de nombreux retards de paiement étaient constatés.

6. Pour l’ensemble de ces enjeux, il fallait donc que le Législateur se saisisse pleinement de ces questions afin de doter ce secteur d’un code digne de ce nom.

 

Construction du Code

 

7. C’est ce qu’il a notamment fait par l’ordonnance et le décret précités. En outre, avant l’entrée en vigueur dudit code, une vingtaine de textes ont été publiés au Journal Officiel du 31 mars[4]. Ils ont eu notamment pour objet de corriger le Code de la commande publique d’erreurs purement matérielles (erreurs de rédaction, renvois d‘articles, …).

8. Par ailleurs, de nombreux arrêtés du 22 mars 2019[5] sont venus s’ajouter à l’ensemble de ces textes. Ils ont notamment eu pour objet de fixer la liste des impôts, taxes et contributions, les documents à fournir par les candidats, les incidences énergétiques et environnementales dans les procédures, le modèle de GAPD et de caution, de généralisation de la DUME et du MPS pour les candidatures, et des facturations électroniques.

9. Simple d’accès, tant pour l’expert que le profane, le code régit de manière chronologique la vie des marchés, savoir, de la préparation à l’exécution des contrats de la commande publique, y compris la résolution amiable des différends.

 

Un code à droit constant ?

 

10. Le code fait œuvre non seulement de simplification et modernisation du droit, mais également de consolidation des règles jurisprudentielles :

11. En effet, il reprend certaines règles générales applicables aux contrats administratifs, comme la faculté de résiliation unilatérale des contrats administratifs pour faute grave ou motif d’intérêt général (les articles R 2184-1 et suivants du code s’inspirent de l’arrêt du Conseil d’Etat 2 mai 1958[6]) et reconnait la possibilité de conclure une convention provisoire, sans procédure de publicité et de mise en concurrence (l’article R 3121-6 du code reprend la décision du Conseil d’Etat du 14 février 2017[7]).

12. Ce Code de la commande publique va, ainsi à mon sens, permettre aux entreprises de saisir de nouvelles opportunités par l’Etat et des collectivités territoriales. En effet, en fixant un cadre, cela non seulement renforcera la sécurité juridique mais également augmentera l’accessibilité et intelligibilité de la loi. Dès lors, cela facilitera l’activité des opérateurs économiques qui ne sont pas des professionnels du Droit. En outre, en mettant l’achat public au service de l’efficacité économique, les TPE/PME auront une meilleure maîtrise de leurs dépenses.

 

De nouveaux dispositifs

 

13. Le Code de la commande publique est souvent présenté comme de droit constant. A tort, puisque le législateur est venu doter ce secteur de nouveaux outils, de nouvelles 

règles et définitions :

14. L’offre anormalement basse est enfin définie (article L. 2152-5), les conventions de délégations de service public sont dotées d’une nouvelle définition (article L. 1121-3), les titulaires et sous-traitant disposent d’une avance minimale de 20% au lieu de 5% (article R. 2391-4), la retenue de garantie est diminuée, passant de 5% à 3% pour les marchés des TPE/PME passés avec l’Etat (article R. 2191-33), le partenariat d’innovation est créé (article L. 2172-3), il est possible de réserver certains marchés au profit des entreprises de l’économie sociale et solidaire, telles les associations ou opérateurs économiques qui emploient des travailleurs handicapés ou défavorisés (article L. 2113-12 et suivants).

15. Enfin, il est dorénavant intégré dans le code la possibilité pour les collectivités de recourir lors de la passation de contrat à des critères sociaux et environnementaux. Ainsi, les entreprises qui proposent des solutions innovantes ont désormais la possibilité de remporter des parts de marchés non négligeables. C’est une véritable aubaine pour les TPE et PME qui jouissent d’une marge de manœuvre plus confortable pour s’imposer comme des acteurs incontournables de la commande publique.

 

Quelques regrets

 

16. Le code ne présente toutefois pas que des avantages. En effet, contrairement aux dispositifs applicables à la passation des marchés, l’exécution est assez peu développée, alors qu’il est source d’un nombre plus important de litiges. Par ailleurs, nous pouvons regretter que certaines règles de droit européen n’aient pas été intégrées, comme la transparence du financement des obligations de service public. Il est également dommageable que ce code ne consacre pas davantage de place à la négociation, quand bien même les contrats constituent des marchés d’adhésion. Enfin, le flop du sourcing et la difficulté de compréhension du « Chorus Pro » constituent des éléments dans lesquels la commande publique peut progresser.

 

Un code malléable et évolutif

 

17. Il ne faut pas oublier que le Code de la commande publique a été pensé, dans sa nature, de manière évolutive, ce qui permettra aux TPE/PME de conquérir de nouvelles parts de marchés.

18. En effet, il est déjà prévu qu’un décret soit prochainement pris afin d’assouplir pour une durée de trois ans, les règles en matière d’achat innovant et imposera une hausse du montant des avances versées par l’Etat. Par ailleurs, de nombreuses mesures sont appelées à interférer avec ce secteur, tels les projets de loi « dé-surtransposition » du droit, ou la Loi Pacte (avec la suppression des ordres de services à 0 euro, ou l’affacturage collaboratif) ou le projet d’ordonnance sur l’ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs…

 

AB

Edito rédigé par Antoine BOURIT
Notaire au sein de Notaridge, Notaires et Associés

 

 

Textes :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000037701019&dateTexte=20190409
https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Codification/Tables-de-concordance/Code-de-la-commande-publique
Fiches pratiques du DJA :
https://www.economie.gouv.fr/daj/commande-publique


[1] Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) – Elégies – Le retour chez Délie
[2] Décret n°64-729 du 17 juillet 1964 portant codification des textes règlementaires relatifs aux marchés publics
[3] Contrats et Marchés publics n° 1, Janvier 2019
[4] Décret n° 2019-259 du 29 mars 2019 portant modification de diverses dispositions codifiées dans la partie réglementaire du code de la commande publique
[5] http://www.affaires-publiques.org/textof/TO/19/16103-0319.htm
[6] http://www.jura.uni-sb.de/france/saja/ja/1958_05_02_ce.htm
[7]https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000034056271&fastReqId=31471355&fastPos=1